Les aliénés de la 4e République

An 3 du L.M.D: Une amère expérience en ST

Intégré au système Licence-Master-Doctorat (LMD) depuis le 9 février 2009, les ‘’cobayes’’ viennent d’entamer en avril 2012 leur deuxième  semestre de l’année académique 2010-2011. Cette  situation de grand retard est mal vécue par les étudiants. En tout cas, la croix du LMD est difficile à porter. Le bout du tunnel est loin d’atteinte et le tableau est de noir peint. Une immersion parmi ces étudiants en sciences et technologies (ST) permet de comprendre mieux leur ‘’chemin de croix’’.


Après un (1) an, c’est ce jeudi 3 mai 2012 que les étudiants en géologie (Licence 2) font leur premier cours de géologie appliquée. A 7h 5 mn, l’amphithéâtre J, une vaste salle située à la sortie Est du campus est presque vide d’étudiants. Qu’à cela ne tienne, le professeur Sèta Naba commence son cours à 7h 10 mn. Longitude, latitude, altitude et échelle ont constitué les maitres mots  de la séance. Une heure après, des retardataires indiscrets et souvent bavards arrivent encore. Sur les visages  se lit la démotivation et la fatigue. Les étudiants n’ont pas tardé à réclamer la récréation : « la pause, monsieur la pause » insistent-ils. Sous la pression, le professeur Sèta cède. Nous profitons interroger le délégué de la promotion. Yahaya OUEDRAOGO, de taille moyenne, sobrement vêtu et sûr de lui, nous confie  leurs préoccupations. « Nous sommes dans une situation excessivement critique parce que nous sommes entrain de vouloir finir l’année en Décembre selon les programmations des professeurs. Cela veut dire que nous ferons deux ans pour la même année académique ». Pendant l’entretien, un passant lance un mot à son délégué de classe « Il faut dire que nous souffrons et ils doivent bien noter cela ». A la reprise du cours à 8 h 50, les chaises vides se comptent encore plus. Interrogé sur la question relative à ces absences délibérées, le délégué répond tout simplement qu’ « ils sont allés vaquer à d’autres occupations ». En effet, au regard de leurs conditions de vie et d’études difficiles, beaucoup d’étudiants préfèrent faire de petites activités pour survivre. D’autant plus qu’ils ont touché pour la dernière fois à l’aide ou au prêt depuis septembre 2011, leurs poches sont trouées. Ce n’est pas  Kader NIKIEMA qui en dira le contraire. Avec l’accent de la diaspora ivoirienne, il emprunte une phrase de Houphouët Boigny pour illustrer leur situation. « Un sac vide ne reste pas débout, nous sommes obligés de faire des cours à domicile (CD) et de travailler avec les entreprises et les usines de la place pour se payer des souches de  tickets pour le RU. »

Problèmes infrastructurels

Sur le plan académique, les étudiants rencontres des difficultés exponentielles. Devant l’amphithéâtre un groupe d’étudiants discutent. A coté d’eux, un peu à l’écart un duo de fumeurs se coince la ‘’clope’’. Il s’agit d’Ismaël OUEDRAOGO et son compagnon. Il  estime que la documentation mise à leur disposition dans la bibliothèque répond quelques fois à leurs besoins même si elle est vieillissante. Pour les travaux dirigés (TD) a-t-il poursuivi en affirmant que « tout se passe bien avec l’aide des moniteurs. » Il a par ailleurs situé son inquiétude  au niveau des travaux pratiques (TP). Sur ce point Jean Martial BERE précise : « les salles réservées pour cet exercice sont trop  minimes par rapport au nombre d’étudiants. » En plus de cela il souligne le manque de matériels spécifiques à cette activité tels que les microscopes et le problème d’organisation. C’est là que se fait sentir la rage de Yahaya OUEDRAOGO.  « Si on veut donner une formation sérieuse aux étudiants et qu’en géologie il n y a que trois microscopes pour les travaux pratiques, si nous devons prendre cinq ans pour faire la licence, il faut être claire et oser le dire, nous avons été expérimentés par un gouvernement irresponsable » a-t-il martelé. Famana Kambiré en Licence 2, option mathématiques, nous peint également un tableau amer de cette expérience. Ils ont des difficultés avec les bibliothèques dont la centrale. « Comme nous n’avons pas encore fini notre année, on ne peut pas faire nos réinscriptions pour l’année 2011-2012. Cela fait qu’on ne peut pas renouveler nos cartes de lecteurs. La conséquence  est qu’on ne peut pas faire des prêts à la bibliothèque centrale. Quant à la bibliothèque départementale (SEA) il arrive qu’on veuille y bosser mais les gérantes ne sont pas là. Ou encore, elles peuvent dire qu’elles vont pour faire du sport, donc ferment la salle. » Pour certains cours de pratique ils ont des problèmes de salle qui  se posent. « Souvent on fait le cours théorique  en informatique. Mais pour la pratique, on peut arriver au centre des ressources informatiques de l’Université où on nous dit que c’est occuper » Le pire serait dans tout cela la connexion internet. On dira qu’avoir un ordinateur est une corvée mais avoir la connexion internet est aussi une corvée. « Avant des étudiants munis d’ordinateurs portables venaient profiter de la connexion wifi de SEA. Mais quand ils ont su, ils l’ont codé » regrette Kambiré. Le Foner aurait permis à ceux qui veulent de s’acheter des Clés de connexion. Mais ils sont loin d’avoir cette chance. Tant qu’ils ne finiront pas l’année académique 2010-2011 ils ne pourront pas s’inscrire pour 2011-2012 et donc bénéficier du Foner pour l’année en cours. Dans le système LMD, l’enseignant est supposé dispenser 25% du cours. Kambiré quant à lui, a le sentiment que les enseignants ne se donnent plus aux cours avec rigueur. Et certains ne tardent pas à dire aux étudiants que : « le cours est sur le marché ». Des cours qu’ils achètent effectivement entre 1000f et 2500f.  Au jour du 6 juin 2012, les étudiants en L2, option mathématiques, ont fini leurs devoirs mais « n’ont pas encore leurs résultats de la 1re session ». Pendant ce moment, une note administrative parle de cours pour la 3e année (L3) « pour ceux qui sont intéressés ». Mais pour Famana Kambiré, c’est peut-être ironique, mais « juste pour voir quelle sera notre réaction ».  Le système LMD rimerait, selon Kader NIKIEMA, avec « échec ; nous prenons de l’âge et nous n’avançons pas. Faire trois (3) ans pour deux (2) classes. »

BK et JE



13/06/2012
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