Les aliénés de la 4e République

Université de Ouagadougou: L’ignorance ou le mépris des autorités

Luc Adolphe Tiao avait promis qu’il viendrait à l’Université de Ouagadougou « même si les étudiants vont lui couper la tête ». Le lundi 18 mars 2013 il a tenu parole. Les étudiants aussi. Ils ne sont pas allés jusqu’à couper la tête du PM. Mais ils lui ont fait passer un sale quart d’heure.

 

Luc Tiao a-t-il pris un ‘’risque’’ en se rendant à l’Université de Ouagadougou ? Evidemment non. Le dire c’est attirer de la sympathie sur sa personne. On oublie que «Si vous voulez aller sur la mer, sans aucun risque de chavirer, alors, n'achetez pas un bateau : achetez une île ! » comme l’a dit Marcel Pagnol. Mais il plait de citer un confrère analyste politique plus critique en ces termes sur un réseau social: « Si aller à la rencontre de la jeunesse de son pays, en l'occurrence celle supposée la mieux formée, constitue un ‘’risque" pour un premier ministre, c'est qu'il y a illégitimité, dol et mensonge de la part du pouvoir. Assumez vos actes. On ne gouverne pas à coups de décrets. En journalisme comme en politique, rien de tel que le terrain. En journalisme comme en politique, le terrain est risquant. L'ancien journaliste devenu politique, ne doit pas l'oublier. Si tu ne vas pas au peuple, le peuple viendra à toi... » Très souvent quand le peuple vient vers vous les choses se passent comme celles que Luc Tiao a vécu sur le campus de Zogona.

Faut-il culpabiliser les étudiants ?

Huer le premier ministre, lui lancer des slogans « à bas les démagogues et autres » est à la limite acceptable. Mais lapider, caillasser les véhicules, ce sont des actes condamnables avec la dernière énergie. Luc Adolphe Tiao est un grand frère, un père  pour les uns et les autres. Et au delà de tout, il est une autorité  à  qui on doit du respect et de la considération. Certes, le droit de contester est reconnu. Et dans une nation où la jeunesse  est  non contestataire  il y a de quoi douter de l’avenir de ce pays.  Mais dans le cas ci, les étudiants sont fautifs par la méthode de l’expression de leur ras le bol.  Le vandalisme n'a jamais été une solution. Du reste, le contexte pourrait  expliquer le sens de leur agitation sans pour autant le justifier. Les étudiants ont voulu, en effet, que le premier ministre vive leurs réalités : savoir que l’amphi où il est reçu est en temps normal sans climatisation, le restaurant universitaire (RU)  présente un visage hideux avec par moment des contingentements du nombre des plats servis. Le système licence-master-doctorat (LMD) continue de faire des ‘’victimes’’ A titre d’exemple, sur plus de 2800 étudiants en 1re année de Sciences et technologies (ST), seuls 35 ont validé leur premier semestre.

Lorsqu’on a annoncé la  venue  du PM, tambours battant, les autorités universitaires ont procédé à une mise en scène: installation de climatiseurs neufs dans l'amphi D où il doit s'adresser au monde universitaire ; un Caterpillar dégage la voix pour qu’on lui déroule un  tapis rouge ; une décoration singulière du restaurant universitaire où il devait manger avec les étudiants, gratuité des plats à cette occasion comme à la Tertius Zongo en 2008. Cette mise en scène qui ne reflète pas la réalité suffit pour enclencher un sentiment de frustration chez les locataires du campus de Zogona.

Pire, à bien analyser, le premier ministre est venu imposer le « blanchiment technique » de l’année. En tout cas, le constat c’est que ce n’est pas le fruit d’une concertation entre le monde universitaire dont les syndicats des étudiants. Certes, il leur a été demandé de proposer des solutions de sortis de cette imbroglio. Mais le commun des mortels, jusqu’au rang des enseignants, se référait aux états généraux de l’enseignement  supérieur qui doivent se tenir en principe  en avril prochain. La décision du blanchiment technique pourrait ainsi trouver sa légitimité au sortir de ses échanges. Rien de tout cela et on se demande de quoi vont accoucher ces états généraux finalement ?

L’ignorance ou le mépris des autorités

Le boycott de la visite du PM est un message adressé au plus haut sommet de l’Etat. Ce n’est pas la personne du premier ministre qui est mise en cause. Etant le porte-voix du président, les étudiants ont profité de l’occasion pour lui dire de se réveiller. D’ailleurs, il y a lieu de s’inquiéter du sort réservé à la politique nationale de l’éducation surtout au niveau supérieur. Peut-on imaginer  un premier ministre  ignorant  le nombre exact des étudiants sur le campus ? « On n’a pas le nombre exact des étudiants » a-t-il dit lors du point de presse du 18 mars. Cela est inconcevable et dénote d’un sérieux manque d’investissements dans l’enseignement supérieur. Il n’y a jamais eu d’études pour savoir et maitriser le flux des étudiants sur le campus de Zogona. Dans ce contexte, comment concilier efficacement le nombre et la capacité des infrastructures aux effectifs des étudiants et des enseignants pour un bon enseignement ? Si le premier ministre ne sait pas le nombre exact, il ne faut donc pas s’évertuer à le demander au  ministre de tutelle à savoir Moussa Ouattara. Et il n’y a pas lieu de s’étonner si  le président du Faso, plus invisible que tout autre, disait ne « pas savoir qu’il y a des étudiants qui prennent des cours sur le site du SIAO »

Que dire du nombre insuffisant des enseignants ? Dans son message de nouvel an 2013, Blaise Compaoré disait : « La consolidation du capital humain reste un déterminant de l’émergence. Aussi, le Gouvernement poursuivra-t-il le vaste chantier de densification de l’offre d’éducation (…) » La consolidation du capital humain est la chose la moins intégrée dans l’éducation en l’occurrence celle du supérieur. Les acteurs de monde universitaire sont unanimes pour dire que l’Etat a délaissé le 3e cycle devant conduire à la formation des enseignants pour assurer la relève ! Tout simplement parce qu’on a manqué de vision dans l’éducation. Du reste, le gouvernement a passé son temps à fermer les universités au moindre incident. Et Tiao n’a été tout naturellement qu’une victime de ce mode de fonctionnement qui ne fait que déplacer les problèmes que de les résoudre.  

Des engagements sans priorité

Face aux journalistes, Luc Adolphe Tiao a égrené un long chapelet de problèmes à résoudre.  On peut retenir des maux, les programmes d’enseignements inachevés depuis 2009-2010, la vétusté des équipements, l’insuffisance d’enseignants, les problèmes sociaux, l’accès difficile aux TICs. Pour la question des enseignants, on estime leur nombre à 500 pour 45000 étudiants à l’UO.  Sur le plan vie sociale des étudiants, le premier ministre reconnait que manger et se déplacer c’est la croix et la bannière. Ainsi, 11 milliards de Francs CFA sont à  collecter pour faciliter le volet transport. Au regard des problèmes posés, il a été demandé à Luc Adolphe Tiao par où il compte commencer ? « Tout est urgent » a-t-il dit en guise de réponse. Il se dégage que le gouvernement va brasser  tout ce qui est posé comme problème en un coup. Puisque tout est urgent, il n’y a donc pas  de priorité. Et dans ce cas, le gouvernement risque fort de se faire très mal à la poitrine. Ce qui ne sera pas sans conséquence pour la suite. Gouverner c’est prévoir dit-on. Prévoir c’est aussi se faire des priorités. Et on juge un leader, un dirigeant par sa capacité à se faire une priorité parmi tant d’autres et non d’embarquer tout comme dans un bateau sans destination. Sauf qu’ici, il y a une destination : « résoudre les problèmes pour  les 5 à 10 années à venir ». N’est-ce pas encore  un manque de vision ?



26/03/2013
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